Le Corpus paulinien

par Gilles de Grandpré

     Le commentaire de Thomas sur les épîtres de Paul a été peu connu jusqu’au début du XVe siècle : neuf témoins de la fin du XIIIe siècle jusque vers 1430, mais aucun  témoin qui contienne la totalité des épîtres. L’apparition de l’impression et son développement ont favorisé une diffusion considérable : environ 70 éditions depuis la fin du XVe siècle.

   Si on exclut les témoins qui ne sont que des copies ou des extraits, l’Ad Romanos est attesté par 2 ensembles de témoins : des témoins de tradition germanique (7) et des témoins de tradition italienne (8). La situation est sensiblement la même pour l’Ad Hebraeos qui clôt le Corpus. À l’intérieur de la tradition germanique, les témoins sont presque aussi nombreux pour chacune des deux épîtres, mais elles n’ont en commun que 3 témoins complets et un témoin d’extraits. Au contraire de la tradition italienne qui présente un corpus homogène et complet, la tradition germanique est morcelée et certaines épîtres ne sont que très pauvrement attestées. La totalité de la tradition imprimée que nous connaissons dépend de la tradition italienne, une reconstruction tardive qui n’intervient pas dans l’édition critique.

   Si l’unité du commentaire peut difficilement se fonder sur la tradition italienne partiellement artificielle, la parenté de texte entre les témoins de la tradition germanique peut nous en assurer même à travers son morcellement. Ce qui reste de la tradition manuscrite (relativement) ‘ancienne’ semble attester l’indifférence avec laquelle on traita les documents qui ont survécu à la disparition de Thomas. Sauf le cas du commentaire sur Job, on s’arrêtait davantage aux œuvres théologiques et aux commentaires d’Aristote.

   Les sources sont nombreuses et pas toujours explicites. La principale source est constituée par la Glose de Pierre Lombard : il arrive que Thomas suive son texte même pour l’ordre interne des sections. Parmi les latins de l’ère patristique, il cite le (Ps-)Clément, Ambroise qui prête parfois son nom à l’Ambrosiaster, Jérôme, Augustin, Hilaire, Grégoire le Grand, Léon le Grand auxquels s’ajoutent des écrivains tel Jean Gratien, Alcuin, Bède, Isidore, Hrabanus Maurus, le (Ps-)Aimo. Parmi les Orientaux, on trouve Origène, Athanase, Cyrille, Jean Chrysostome et le Pseudo-Chrysostome de l’Opus imperfectum super Matthaeum, Némésius d’Émèse, Jean Damascène. Il n’a pas oublié Platon, Aristote, Porphyre, Cicéron, Sénèque, Macrobe, Boèce.

   Peu connu dans le dernier quart du XIIIe siècle et jusqu’au dernier quart du XIVe, sauf dans les milieux qui ont produit les plus anciens témoins, l’attrait et le témoignage du Corpus paulinien pourrait s’être développé avec les imprimés et dans le cadre de la Renaissance. Cet aspect dépasse les cadres de l’édition critique.